La pierre de Saint-Pierre et le Qatar


L’argent n’a pas d’odeur: l’adage est d’actualité au Vatican où le Qatar, sponsor du Paris St-Germain et des Frères musulmans, fait ses emplettes dans l’immobilier, a appris la Méduse. Eminent producteur de gaz naturel, l’émirat investit ses immenses revenus dans la pierre. Chez Saint-Pierre, serait-on tenté de dire! 

Les notaires de la ville éternelle ne chôment pas car le Vatican n’exerce pas seulement sa haute autorité sur des milliers de paroisses et d’églises. Le Saint-Siège règne sur nombre d’institutions sociales et médicales. Mais il dispose avant tout d’un patrimoine immobilier considérable. Certains vont jusqu’à lui attribuer le quart de la ville de Rome. 

Le Vatican est aussi l’un des plus importants propriétaires immobiliers au monde. Les habitants de plusieurs immeubles de l’avenue Florimont, à Lausanne, savent-ils qu’en payant leur loyer, ils contribuent à rentabiliser la fortune du Saint-Siège? L’histoire ne raconte pas si le Qatar, déjà propriétaire dans la métropole lémanique du 5 étoiles Royal Savoy, se trouve sur la liste d’acquéreurs éventuels.

A Rome, le Qatar n’en est plus à son coup d’essai. L’émirat détient depuis 2017 la moitié d’une autre propriété du Vatican, l’hôpital Gemelli, où fut soigné le pape Jean-Paul II après l’attentat dont il fut la victime en 1981. L’Etat du golfe n’entend manifestement pas en rester là. Il convoite ni plus moins qu’une partie du patrimoine immobilier de l’Etat catholique. Ses émissaires sillonnent Rome à la recherche de palais de rêve. 

Dans « Qatar Papers », un ouvrage qui vient de paraître, Christian Chesnot et Georges Malbrunot mettent en évidence le rôle du bras financier de l’ONG Qatar Charity. Le bras financier de l’émirat « mène campagne de prosélytisme » en Europe où il finance des centaines de mosquées et centres religieux. Les journalistes français sont parvenus à établir la liste des pays les plus ciblés. L’Italie est largement en tête devant la France. La Suisse – les auteurs de l’ouvrage lui consacrent un chapitre entier, intitulé « Le coffre fort des frères musulmans » – ne vient pas loin. 

Organisation panislamiste d’inspiration sunnite, la Société des Frères musulmans n’a pas bonne réputation auprès des régimes arabes laïcs ni de l’Etat d’Israël. Ce qui ne l’empêche pas de jouir du soutien du Qatar. Mais il en faudrait davantage pour effrayer le pape François. En février dernier, le souverain pontife a été approché par Doha pour intervenir en qualité de médiateur dans la crise des travailleurs frontaliers survenue à la suite du blocus imposé au Qatar par ses voisins du golfe. Donnant-donnant? En échange, le pape espère sans doute obtenir une plus grande sécurité pour les communautés chrétiennes malmenées d’Orient. Aucun lien avec la présence au Vatican de promoteurs immobiliers qataris? Une coïncidence, tout au plus…

Christian Campiche

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