L’insatiable appétit des sociétés d’électricité


Les producteurs d’électricité n’ont pas manqué de s’aligner dans la course aux subventions suscitée par la Stratégie énergétique 2050.

PAR JEAN-DANIEL DELLEY

Après quelques succès d’étape, ils peinent maintenant à convaincre de la justesse de leurs revendications.

Dans le cadre du tournant énergétique approuvé en votation populaire en mai dernier, les électriciens ont su tirer profit du large éventail de subventions censées faciliter la transition vers une économie décarbonée. Ainsi la loi fédérale sur l’énergie (art. 30 et 31) octroie une prime de marché de 0,2 centime par kWh aux barrages d’une puissance supérieure à 10 MW dans le cas où l’électricité doit être vendue au-dessous du prix coûtant. Par ailleurs la construction, l’agrandissement et la rénovation de centrales hydroélectriques de plus de 10 MW peuvent bénéficier de contributions à l’investissement. Au total une somme de 600 millions disponible au cours des 5 prochaines années et prélevée sur les consommateurs.

Sur cette lancée, les électriciens se sont montrés plus gourmands encore: prime d’approvisionnement de base et réduction de la redevance hydraulique due aux collectivités locales et cantonales (DP 2168), soit plus d’un milliard supplémentaire.

Actuellement, le Conseil des Etats tente un coup de force qui devrait aboutir à une nouvelle aide financière en faveur de l’industrie électrique. Le Tribunal fédéral a jugé illégale la pratique des électriciens qui vendent à leurs gros clients de l’énergie à bas prix en provenance du marché libre et réservent aux consommateurs captifs l’électricité indigène plus chère. Qu’importe, il suffit de modifier la loi ont décidé les sénateurs – 6 des 13 membres de sa commission détiennent des mandats dans le secteur électrique. Mais pour l’heure le Conseil national n’entre pas en matière.

Des analystes ont mis en doute le bien-fondé des jérémiades de l’industrie électrique. Des critiques qui trop longtemps n’ont pas trouvé d’écho auprès des autorités et des médias. Si certaines installations présentent des problèmes de rentabilité, tel n’est pas le cas de la branche en général. Un récent rapport de l’Office fédéral de l’énergie confirme ces critiques longtemps ignorées.

Le manque de transparence des quémandeurs quant à leur situation financière et probablement leurs exigences exagérées ont finalement convaincu le Parlement de ne plus ouvrir les cordons de la bourse. Ainsi le projet du Conseil fédéral de réduire le montant de la redevance hydraulique semble abandonné. Les appels à l’aide des électriciens, en particulier des deux géants de la branche Axpo et Alpiq, sonnent d’autant plus faux que la branche a accumulé des bénéfices considérables – plus de 20 milliards de réserves entre 2001 et 2013 – englouties en partie dans des opérations ruineuses tant à l’étranger pour des centrales à gaz et au charbon qu’en Suisse pour des installations de pompage-turbinage.

Face aux difficultés qu’elles rencontrent, les principales sociétés d’électricité ne sollicitent guère leurs actionnaires, essentiellement des collectivités publiques cantonales et communales. Elles préfèrent rogner sur les redevances dues à des cantons alpins, des cantons qui par ailleurs ont vu filer les impôts de ces sociétés vers les cantons du Plateau où se trouvent leurs sièges sociaux. Ces actionnaires ont engrangé de confortables dividendes durant les années de vaches grasses. Mais ils ne semblent pas prêts à assumer maintenant leur responsabilité de propriétaires.

On apprend aujourd’hui que tant Axpo qu’Alpiq ont optimisé leur charge fiscale au travers de sociétés offshore dans des paradis fiscaux. Où l’on comprend que ces deux sociétés privées mais en mains publiques se sont davantage préoccupées de croissance et de profits que de conduire une politique énergétique durable au service de la collectivité. Et qu’il ne suffit pas d’installer des politiques en fin de carrière dans les conseils d’administration pour garantir le respect de l’intérêt public.

Domaine Public

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2 commmentaires à “L’insatiable appétit des sociétés d’électricité”

  1. Brigitte 4 décembre 2017 at 16:02 #

    Très bon article qui confirme les craintes de tous ceux qui avaient dit: supprimez le nucléaire et vous verrez défiler des montagnes de taxes et de surtaxes

  2. Bernard Walter 4 décembre 2017 at 17:57 #

    @ Brigitte
    Voulez-vous dire que pour éviter des “montagnes de taxes et surtaxes” il faut continuer à faire pousser des centrales nucléaires ? Décidément, l’argent est bien le maître du monde. Le système dominant actuel a encore de beaux jours (d’autres diront de très horribles jours) devant lui !

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