Respect du… respect


La scène, relatée par une amie italienne qui en fut le témoin, s’est déroulée dans une ville de Sicile. Un migrant remarque plusieurs pains entiers abandonnés sur le trottoir jonché d’immondices. Immangeables, hélas. L’homme ramasse les pains délicatement et les embrasse un à un avant de les glisser, visiblement navré, dans une benne à ordures.

Respect d’un idéal de création. Ce pain est constitué de farine de blé, une denrée connue depuis la nuit des temps mais qu’il faut cultiver.

Respect d’un ordre universel conçu pour assurer leur subsistance aux habitants de la Terre. Dans ce monde-là, on partage, on ne jette pas.

Respect du labeur d’autrui. Qu’il fût fabriqué artisanalement ou industriellement, ce pain était le fruit du travail des hommes. Les personnes qui surveillaient le four sont des femmes et des hommes dont le pain est le… gagne-pain.

Respect de la vie. Que dire de la surabondance d’aliments dans les grandes surfaces, des surplus qui finiront à la poubelle puis incinérés dans des usines dont les hautes cheminées crachent de la fumée 24 heures sur 24. Combien d’animaux élevés en batterie et tués pour rien?

Respect d’une histoire, d’une civilisation qui a su fonctionner pendant des millénaires sans ordinateurs ni robots. Il semblerait que les charrettes tirées par des chevaux sont bannies des rues de Sofia. La Bulgarie s’apprête à prendre la présidence de l’Union européenne, sa capitale doit laisser une bonne impression aux délégués des quatre coins du Vieux Continent qui s’y rendront souvent. Des chevaux au milieu du trafic urbain, cela n’est pas digne d’un pays «moderne», vous comprenez, évacuez-moi ces manants!

Respect du… respect. Qui n’a plus ce savoir-vivre sait-il encore à quoi rime l’existence?

Christian Campiche

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4 commmentaires à “Respect du… respect”

  1. Martin de Waziers 28 décembre 2017 at 09:15 #

    Respect de nos racines… chrétiennes: “donne-nous, aujourd’hui, notre pain quotidien”. Respect aussi de toutes nos racines avec le respect de la diversité de race, de religion, et j’en passe! Comme le dit la devise de l’Europe: unité dans la diversité… associé à l’hymne “Freunde!”

  2. Pierre Adler 28 décembre 2017 at 09:30 #

    La société thermo-industrielle qu’est la nôtre est une société de la démesure, c’est-à-dire des phénomènes à croissance exponentielle (production, consommation, et rejet de déchets exponentiels).

    Une telle société ne respecte justement aucune mesure (en fait, aucune norme, aucune loi, aucune valeur), à tel point qu’elle est en train de mettre en danger toute l’écosphère terrestre.
    Donc, puisque sa vie est entièrement dépendante de l’écosphère, il s’agit là d’une société qui ne se respecte même pas elle-même, une société qui se suicide de par son goût de l’illimitation.

    C’est-à-dire, très concrètement, une société dont le train de vie irrespectueux donne lieu à:

    – une raréfaction grandissante des ressources minières et énergétiques fossiles;

    – une disparition catastrophique et en accélération continue des espèces vivantes, animales et végétales;

    – des océans suffoqués, empoisonnés et défigurés par les plastiques: plus de huit millions de tonnes de plastiques sont déversées chaque année dans la mer, bouteilles, emballages, résidus industriels, sacs en plastique, etc. D’ici 2050, il y aura davantage de plastiques que de poissons dans les océans; en fait, il n’y aura vraisemblablement carrément plus de poissons;

    – des montagnes rasées ou défigurées par l’extraction minière;

    – des territoires entiers grevés et pollués par des puits de pétrole et de gaz de schiste;

    – de la pollution atmosphérique massive, qui provoque ou aggrave des maladies de toute sorte et perturbe les écosystèmes;

    – des déchets nucléaires qui resteront radio-actifs pendant des milliers d’années (les êtres humains, s’ils survivent, seront gardiens de cimetières nucléaires pendant des centaines de générations), pour le stockage sécurisé desquels nous n’avons toujours pas trouvé de solution.

    A cet égard, je me permets de recommander le visionnement de la conférence de l’ingénieur agronome et docteur en biologie Pablo Servigne, “Comment nourrir l’Europe si le système s’effondre:

    https://www.youtube.com/watch?v=ZscgkqTe5Y4

    Avertissement: c’est du lourd.

  3. Bertrand Baumann 28 décembre 2017 at 11:06 #

    Merci, Christian, pour cette anecdote si pleine de sens, de tragique et de beauté. Le premier alinéa de ton article mérite de rester dans les archives de l’humanité (s’il en existe qui ne soient déjà submergées d’immondices) ou du moins dans nos cœurs.

  4. Marie-Françoise Rochat 28 décembre 2017 at 19:52 #

    Merci, cher Christian, de ces mots magnifiques au lendemain de Noël ou les rues de Londres étaient jonchées de poubelles éventrées bien vites ramassées par des services de voieries très efficaces mais débordés.
    Mon éducation chrétienne fais que je ne puis jeter le moindre petit morceau de pain , je marche donc très souvent jusqu’à San James Park le donner aux oies et aux canard du lac.
    Quarante minutes aller et retour pour avoir la conscience tranquille!

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